Le départ.

Yzeult revenait de sa retraite spirituelle à pied et s'arrêta devant la porte de sa maison. Elle la regarda attentivement, et se prépara, dans sa tête, à ne plus la voir demain. En effet elle s'était résolue pendant son recueillement sur elle-même à quitter Sémur. C'était une décision difficile à prendre.
Elle ferma les yeux, avança doucement en direction de la porte, posa la main sur la poignée et entra. Rien n'avait changé depuis qu'elle était partie en retraite. Une chopine vide était posée sur la table, et son lit était toujours défait. Les sacs de maïs habituellement pleins étaient vides. Puis elle se dit tout haut :

Demain tout cela va me manquer

Les yeux emplis de larmes, chancelante, elle décida d'aller s'asseoir sur une des chaises qui se trouvaient devant elle. Elle ne reculerait pas. Pas maintenant. Plus maintenant. Elle avait réussi à dissimuler son état à tout le monde, et surtout à sa cousine adorée. Elle n'allait pas bien. Ne voyait plus aucun intéret à rester à Sémur. Elle en avait fait le tour. Et le noir ne cessait de gagner son coeur. Rester ne servirait à rien. Il lui fallait un autre air. De nouvelles têtes. De nouveaux paysages.
Le coeur gros, elle se dirigea auprès de son lit, se baissa et prit sous le matela un sac. Elle alla chercher ses économies dans un autre coin de la maison et des vêtements, puis mit tout dans son sac.
Toujours aussi triste elle fit une nouvelle pause, et s'apprêta à aller chercher des vivres pour son voyage.

Nadège se promennait avec les filles dans les ruelles de Sémur. Il fallait qu'elle se garde en forme, même enceinte jusqu'au cou. La forme n'était pas quelque chose que l'on gardait en restant assis sur une chaise de bureau pour écrire des missives à tourne la rigot. Les filles demandaient sans cesse à aller voir leur "tante Zeze" comme elles l'apellaient. Nad leur rabachait toujours la même chose.

-Tata elle est avec les nonnes mes chéries. Ca fait trente fois que je vous le dit au moins.

-C'est quoi un nonne ? demandait l'une.

-C'est quoi une trente ? demandait l'autre.

-Une nonne, c'est une Madame Curé si tu veux ma Melly. Anaïs, on ne dit pas "une" trente, parce que trente est un nombre, comme toi tu as quatre ans, quatre est un nombre.

Elle souriait tout en continuant de marcher vitesse escargot. Sur le chemin, elles croisèrent tout de même la maison d'Yzeult. Qui bizarrement semblait contenir un brin d'animation. Nad se dit qu'il devait s'agir d'un chat ou autre bestiole. Quand les deux filles se stopèrent pour courir regarder à la fenêtre ce qu'il se passait dans la maison. Elles ne manquèrent pas d'écrabouiller gentillement ce qu'il restait de fleur dans le jardinet d'Yz...

-Les f...

-Pourquoi elle est dedans tata et qu'elle est toute seule ? Les nonnes c'est dans fantômes ?

Il fallait qu'elle aille voir cela elle aussi. Elle enjamba le.. le reste de flore et s'avança vers la fenêtre pleine de traces de doigts des deux fillettes. En plus de replanter les fleurs du jardin, fallait qu'elle fasse les carreaux maintenant ! Elle en était bien avancée la vieille de sa promennade.
Mais en effet, dans la maison, sa cousine s'activait avec une valise. Elle faisait des allés-retours pour y mettre deux trois vêtements, et autre babioles.

Immédiatement, elle se mit à imaginer le pire. Sa cousine partait définitivement de Bourgogne. Pour la laisser toute seule avec les filles. Elle qui n'avait plus de nouvelles de son mari, qui venait de perdre sa fille adoptive, dont une autre cousine était mourrante....
Sans plus attendre, elle prit les deux mains des filles et entra en trombe dans la maison.

-Un pas de plus et je t'assome jeunette ! Qu'est-ce que tu fais là ?

Yzeult qui s'apprêtait à aller au marché acheter du pain entendit des piaillements dans la rue. Sur le coup elle s'arrêta. Puis se disant que ce devait être de petits zozios ou des enfants jouant dans le coin, elle n'y fit pas plus attention. Soudain la porte s'ouvrit violemment et elle vit apparaitre sa cousine avec ses deux filles à l'entrée de sa maison. Devant la question de Nad elle ne pu bredouiller que quelques mots.

Je...je...je vais chercher du pain.

Elle baissa les yeux, sachant parfaitement que sa cousine ne serait pas dupe et qu'elle avait surement déjà vu son sac prêt à être fermé et à être trimballé sur les routes du royaume. Il était inutile de lutter contre sa cousine, ainsi elle abdiqua et lui dit toute la vérité.

Oui...je vais chercher du pain. Mais je suppose que tu as déjà deviné pourquoi. Oui je pars. Je pars ce soir. Tu sais que j'avais déjà évoqué cette possibilité, mais que ça ne devait pas arriver si vite. Je ne voulais pas partir sans avoir vendu mes champs, mais face au trouble dans la ville et dans le duché, je crains que je ne puisse plus du tout partir avant un bon moment.

Les larmes vinrent encore une fois à ses yeux noisettes, puis prenant une grande respiration elle reprit

Ce n'est pas de gaieté de coeur que je fais ça. Mais j'ai besoin d'air. Toi aussi et tu le sais. Tu as bien voyagé quelques temps...j'en ai besoin aussi, mais je ne pense pas revenir, du moins pas tout de suite

Doucement, elle lâcha les mains des fillettes et les planta sur ses hanches pour regarder sa cousine (oui elle a besoin d'avoir ses mains sur ses hanches pour regarder les gens la vieille). Elle allait riposter à ce bredouillage quand Yzeult se reprit et continua sur un ton beaucoup plus sérieux et digne du choix qu'elle avait murement réfléchit.

Plus elle parlait, plus Nad sentait les larmes lui perler aux yeux. Pourquoi le monde était-il si dure avec elle ? Ce qu'elle pouvait se dire pour se réconforter.. C'est qu'elle n'était pas morte au moins ! Elle pourrait avoir de ses nouvelles tout de même ! Enfin du moins, elle espérait avoir des nouvelles de sa cousine régulièrement..

Elle voulut ses jeter à ses pieds pour la supplier de rester avec elle, mais elle dirait non, et Nad aurait de grosses difficultés à se relever par la suite. Elle 'navait pas son mot à dire de toute manière, elle n'était pas sa mère, et la petite Yz n'était pas si petite que ça, elle avait un fort caractère et elle était très intelligente. Elle n'avait pas le droit de lui interdire ce départ.

Elle marmonna quelques mots, son coeur était très atteint par tout cela, même si elle n'en voulait rien laisser paraître, on coeur l'emporta sur sa raison.

-Oui oui Va ! Va.....

Un boule dans la gorge..
Elle secoua viguouresement la tête. Tellement bien que quand elle s'arrêta de la secouer elle fit des petits pas en rond pour tenter de retrouver un équilibre decent. Des petites étoiles qu'elle voyait aussi la Nad..

Enfin à moitié remise elle déclara avec une pointe d'humour.

-J'te laisse partir à une seule condition. Tu m'envoies des galettes et du chocuhen héhé. Sinon je t'attache ici et je te force à boire du vin d'Bourgogne à t'en faire tourner la tête !

Quand Yz remarqua les larmes de Nad, elle ne pu une fois de plus, retenir ses larmes. Elle se dirigea vers elle, pris soin de faire attention à son gros ventre, et lui fit un gros calin. Elle savait qu'elle comprendrait. Elle savait qu'elle lui pardonnerait. Puis elle prit la parole

Ne t'inquiètes pas, j'approvisionnerais toute la Bourgogne de produits venant de l'ouest s'il le faut !

Elle fit un sourire amer. Il fallait déjà qu'elle arrive vivante dans l'ouest du royaume. Et ce n'était pas gagné entre les brigands et les accidents qui peuvent si vite arriver. Mais elle acceptait de prendre ce risque, et a déjà fait le voyage Bretagne-Bourgogne auparavant, elle connaissait donc les chemins.

Elle posa les yeux sur les petites puces de sa cousine. Elle s'avança doucement vers elles, se baissa, prit leur petites mains dans les siennes et leur dit tout doucement

Les filles, je vous confie un petit travail : surveillez votre maman. Elle travaille beaucoup, et ce n'est pas très bon quand on sait que son petit bedon héberge votre petite soeur ou votre petit frère. Faites très attention à elle et soyez très gentille. Je ne vais pas vous revoir tout de suite mes puces, donc vous vous devez d'être très sages...d'accord ?

Elle se releva, reprit son sérieux et se dirigea vers son sac, en vérifiant qu'elle n'avait rien n'oublié. Puis en pensant à ses possessions, ici, à Sémur, elle se retourna et déclara à sa chère cousine

J'avais mis mes champs en vente. Malheureusement ils n'ont pas été vendu à temps. Je vais donc les abandonner. De même pour la maison, quand j'aurais franchi le seuil pour partir, cette maison ne m'appartiendra plus. De même pour la boulangerie...mais bon je n'ai jamais eu le temps de l'inauguer...peut être arriveras-tu à trouver quelqu'un pour reprendre ma maison et ma boulangerie...je te fais confiance sur ce point, comme sur les autres à vrai dire.

Le coeur gros et battant à toute allure, elle fit dans sa tête un rapide inventaire de ce qu'elle avait pris et vérifiait une fois de plus qu'il ne lui manquait rien et que tout était parfaitement sous controle.

Pourtant, elle avait la désagréable sensation d'oublier quelque chose. Mais quoi ? Se retournant, regardant dans tous les coins de la pièce où elle se trouvait, son regard se posa encore une fois sur la chopine posée sur la table. Très rapidement elle fit le rapport entre la chopine et la taverne.

Mais bien sur ! Elle avait oublié de dire adieu à tous ceux qu'elle connaissait. Désormais il était trop tard et elle ne pouvait plus reculer et encore moins courir après tout le monde. Alors elle demanda un autre service à sa cousine, toujours présente, silencieuse, dans la maison.

Je n'ai pas dit au revoir à tout le monde. Tu pourras le faire s'il te plait. Dis leur que je quitte définitivement Sémur, mais que mon coeur pensera toujours à eux. Que j'exploiterais mes pigeons pour qu'ils vous apportent de mes nouvelles, même depuis le bout du royaume. Dis à Kiss que sa bière est la meilleure du royaume, embrasse tout le monde de ma part, c'est à dire Lillois, Ae, Cc, Seph pour ses grands services durant mon mandat, Shaka...et tous les autres que j'aurais malheureusement oublié...

Cette fois ci, tout semblait être prêt. Elle regarda une dernière fois l'intérieur de sa maison, sa cousine et ses filles, et s'avanca vers sa porte. Elle prit la clé dans sa main, s'avanca vers Nad, ouvrit la main de sa cousine et déposa délicatement la clé dans sa paume. Une dernière fois, elle lui sourit, et pleurant à chaudes larmes, la prit dans ses bras et l'embrassa très fort. Enfin elle fit de même avec les petites.

Doucement, elle retourna sur le seuil de la maison. Prit une grande inspiration, se retourna une dernière fois vers sa cousine qu'il était difficile de laisser ici, et parti en direction de la sortie de la ville, pour aller à l'ouest du royaume de France. Elle ne se retourna plus, et avança d'un pas décidé, pour mieux affronter les chemins qui se dressaient devant elle.