Un dîner presque parfait...

Ju était rentrée de la chasse à l'Aileron, Kan et Eusaias ainsi que le petit Oxy à ses côtés. Sur le retour, sa rencontre à Cosnes avec son amie Esta lui avait fait la plus grande joie. Cette dernière quittait la Bourgogne, pour s'installer en de nouvelles terres. Quoi ? Quitter Cosnes et son amie ainsi ? Sans même un au revoir digne de ce nom ? Fallait pas y compter... Alors au détour d'une conversation plus que sympathique en taverne, sans savoir pour quelle raison, la petite avait invité ses amis à diner chez elle... Bonne idée sur le moment, pleine de bonne volonté et justifiée l'invitation. Mais était-elle folle ??? Sitôt la porte de la taverne fermée derrière elle elle se mordit les joues "Humpf !"Elle regarda ses compagnons, Kan plus longuement que les autres et se sentit rosir sans qu'elle puisse rien y faire...

*et si elle se ridiculisait ? S'il pensait qu'elle n'était finalement pas une femme comme les hommes les aiment, bonne maîtresse de maison, cuisinière, bref... tout ce qu'elle n'était pas. Sans doute lui aussi en qualité d'homme les aimait-il*...

Elle n'avait jamais reçu des invités à sa table encore et elle même ne cuisinait pas, une miche de pain sur la route, sortie de la besace, un fruit chapardé sur un arbre, un bout de fromage obtenu à force de charmes sur le marché... C'est tout ce dont elle avait jamais eu besoin.

Elle leva les yeux sur son Maître, peut-être acceptera-t'il de l'aider ? Elle avait confiance en lui, et puis ce sera amusant.
Elle songeait que ça aurait pu être drôle aussi les préparatifs avec Kan, mais il n'était pas un invité comme les autres, elle voulait lui faire plaisir, peut-être plus qu'aux autres. Et puis après tout, peu importait... Ju était tout sauf bonne hotesse, du moins elle n'en avait pas l'expérience, alors ses amis ne viendraient pas pour les mets, peut-être douteux, qu'elle leur proposerait, mais juste pour passer un bon moment. C'est l'idée qui la rassura en tous cas pour le moment et qui libéra un haussement d'épaules.

Elle quitta la main de Kan et s'approcha de son maître. "Dis Maître ?" Elle attendit qu'il croise son regard pour reprendre : "Tu sais , tu as entendu mon invitation pour Esta et Mont qui quittent la Bourgogne, toi et Kan... Voudras-tu m'aider aux préparatifs ?... Tu sais que je ne suis pas cordon bleu..." Ju s'adressait à lui à voix basse, tout le monde n'avait pas besoin de savoir, puis laissa finalement un rire s'échapper. A quelle extrémité en était-elle conduite... Ca en devenait ridicule... demander à un homme, qui plus est cet Homme, à l'aider pour des travaux féminins... *Vraiment quelle mauvaise idée* songea-t'elle alors qu'elle lisait l'incertitude et la surprise dans les yeux de son Maître, et que son propre sourire ne quittait pas ses lèvres roses.

Esta était sur le point de partir, de quitter Cosne pour suivre Mont....

Jusoor, ainsi que son maitre et son compagnon les attendaient pour quitter Cosne et se rendre à Sémur.
Il fallait alors charger le carrosse, tout noir, tiré par quatre frisons noirs, celui qui avait servi au voyage de feu le Pi dans sa boite jusqu’à Macon.
Mont l’avait alors mené jusque devant chez elle, au 7 rue de l’aurore, pour qu’elle puisse charger toutes ses malles....
C’est qu’il y en avait. On n’imagine pas tout ce qu’on peut accumuler alors qu’on a si peu pourtant.

Jusoor et son compagnon l’avaient donc suivi jusque chez elle, pour l’aider à charger....


Voilà...c’est là....
Esta jette un coup d’œil à la Loire qui coule juste devant chez elle. Il fait déjà nuit. Elle semble bien noire, là, à cet instant...juste quelques étoiles qui s’y reflètent et la lune, pâle ce soir là....

Esta ouvre la porte de sa maison....
Une sorte de montagne de malle sont prêtes à être emportées....

Tu vois, j’ai tout préparé Jusoor....

Bouche encore ouverte sur son rire, Ju entendit les mots espérés :
"Oui ma belle, tu peux compter sur moi. " Une étincelle de joie et de gratitude naquit dans ses yeux alors que son maître renchérissait en lui offrant de préparer dessert et pains pour l'aider et même de l'accompagner au marché.
Elle retint difficilement un élan vers lui, il n'en était pas temps, mais il était l'heure de prendre du repos pour prévenir la fatigue de la marche de la nuit suivante. Elle le regarda, rassurée et lui murmura un merci venu du coeur.

Puis, plus légère elle s'en revint vers Kan et glissa ses petits doigts dans les siens, geste accompagné d'un regard complice. Le campement atteint et quelques minutes passées, elle s'allongea enfin près de lui, une tête sur son épaule et une jambe en son travers. Là elle le regarda s'endormir, avec tendresse, tout en songeant à l'organisation de la préparation du repas.

*D'abord aller voir Kiss pour qu'il me prête chaises et vaisselle, puis faire un point sur ce que j'ai dans mon garde-manger, puis aller au marché, puis...*

Elle ne finit pas sa réfléxion. Bercée par le souffle régulier de Kan, le silence et l'obscurité régnants, la petite s'était laissée emportée par Morphée.

Ju fut réveillée par la résonnance de pas à ses côtés, des hénissements aussi, par les bruits qui jalonnaient sa vie finalement. Elle ne sentait plus à ses côtés la tiédeur de Kan, devenue un besoin, alors elle s'étira longuement sous les premiers rayons de soleil qui la recouvraient et finit par ouvrir les yeux. Elle était de nouveau là. D'un bond elle se leva, fit d'un regard le tour de la place et, haussant les épaules, ramassa sa besace et partit en direction du village.

D'abord une toilette de chat au lac cosnois, puis salutations d'usage en tavernes. C'est là qu'elle retrouva Esta et qu'elle passa sa journée. Pas envie de travailler la Ju, même un peu, alors elle parla de son voyage avec son amie, et apprit que finalement un déménagement demandait des bras, masculins tant qu'à faire... La soirée venue Kan les rejoignit et proposa son aide à Esta pour le chargement de ses malles. Celle-ci accepta et tous trois partirent jusque chez elle pour charger le carosse.

Voilà...c’est là....

Ju apprécia la façade de la maison bientôt abandonnée. Cherchant le regard de son amie pour la féliciter de la tenue de son domicile, elle tomba elle aussi sur le reflet de la lune dans le fleuve qui passait non loin... il serait bientôt l'heure de partir.

Elle emboita le pas à la rusée et tomba des nues quand elle vit la quantité de malles entreposées dans l'entrée. Si le chargement sur le carosse allait être long, il n'avait pas du être moins pénible de remplir les malles...

Tout ça Esta ??? Mais combien de garde-robes as-tu donc ? Est-ce des vêtements ? de la belle vaisselle pas en bois ?... Ju se demandait ce que pouvaient contenir tant de coffres, mais s'arrêta bien vite quand elle vit Kan s'emparer du premier. Tu as raison Kan ne trainons pas...

Les chevaux étaient attelés, les malles étaient chargée, la nuit allait tomber, la petite compagnie allait prendre la route. Cavalerie en Tête, formée d’Eusias de Drasnie, de la belle Jussor et de son compagnon Kan. Légèrement en arrière, dans un raffut terrible, le carrosse noir avait commencé sa course macabre, lancés aux grands galops, les Frisons tiraient le sombre corbillard. La Brume tombait, de l’écume sortait des naseaux équidés, le décor était des plus sombre. Le cocher de son seul bras, fouettait en l’air, serrant les rennes entre ses dents acérées, il grognait tel un ours, le cuir en bouche, rien n’était vraiment perceptible. A son bord, l’attelage avait une magnifique dame, tranquillement installée derrière de légers rideaux dorée, elle ne pourrait certainement pas dormir pendant le trajet tellement la route était cabossée et le véhicule bousculé sans cesse. Les sarclages des roues étaient une sorte de version de guerre, un peu tous terrains, avec de gros clous forgés servant de crampons dans la terre des chemins. Des deux cotés du cocher, des clochettes tintaient en permanence, n’aidant en rien à la discrétion pendant un voyage, mais le Renard n’avait pas l’habitude de se cacher ou de se la jouer discret.

La lune était maintenant pleine, on entendait au loin dans les forêts, hurler des loups, enfants de la nature et de la nuit, ils célébraient leur culte. Les Renards eux, toujours lancés à pleine course, se hâtaient de rejoindre Semur, ou la fête puis un bon repos les attendait.

Le Mont proposa les commandes à sa belle qui ne se sentait pas cette fois ci, elle était avec sa petite louve qui s’excitait entendant ses congéniales chanter, elle préférait la tenir serrée contre elle, tentant de la calmer, ou peut être de se rassurer elle-même….

Mont était heureux sur son siège tout en haut, il aurait eu une seconde main, qu’il se serrait descendu une grosse rasade de son Côte de Beaune préféré.

*Enfin !*

Un soupir de soulagement ponctua sa pensée. Sémur se dessinait et bientôt les portes en seraient franchies. Elle posa son regard sur Kan, un sourire aux lèvres. Soulagée elle l'était la Ju, non pas que la vue du dos de son maître tout le long du voyage était désagréable, mais monotone pour sûr !
Et ce foutu cheval qui tourmentait ce qui faisait son joli déhanché... Elle n'avait cessé de le piquer des talons, de le pincer aussi, insidieusement, là juste au bord de la selle, la main cachée par le pommeau... Ju espérait que peut être la Bête des Enfers qu'elle chevauchait finirait par la faire planer en exprimant son mécontentement... et les autres, tout comme son maître comprendraient enfin qu'il s'agissait là d'une entente entre la bestiole et elle. Elles ne pourraient jamais se faire confiance, ni s'aimer, c'était si fait, les deux pieds sur les sentiers blancs, c'est ainsi que Ju se sentait en sécurité.

Un regard sur les douaniers, ni plus ni moins. Elle ne reconnaissait aucun des visages levés vers la troupe de voyageurs qu'ils formaient, alors aucun intérêt aux salutations d'usage. Non pas qu'elle fut malpolie, pas toujours en tous cas, mais fatiguée, presque endormie et douloureuse oui.
Son "engin de torture" suivit docilement celui d'Eusaias, fier, sans réfléchir. C'est ainsi qu'ils se trouvèrent au détour de la rue taverneuse. La petite fronça les sourcils et s'adressant à la Bestiole : Tu réfléchis donc jamais toi ? Tu n'es qu'une mûle... D'un coup de talons bien placé elle eut tôt fait de rejoindre son maître : Dis on va où là ? J'avais prévu d'aller chez moi... et c'est pas par là...
Eusaias lui expliqua alors que leurs amis resteraient se reposer ici, il s'était arrangé pour qu'une chambre leur soit préparée. Humm... Je les avais invités chez moi... Ju porta son index à ses lèvres et réfléchit une seconde, puis accrocha le regard d'Eusaias. Tu n'as sans doute pas tort, ils doivent se reposer, Mont en profitera pour faie monter un baquet d'eau chaude à sa douce et moi j'aurais le temps de me retourner. Puis elle énuméra silencieusement toutes les taches qui lui incombaient pour le dîner du lendemain et grimaça. La pauvre ne savait pas par quel bout s'y prendre.

D'un nouveau coup de talons à la Bestiole, elle prit les devants du groupe et fut la première à s'arrêter devant La Sémuroise. Avec un soulagement palpable, comme quand un voeu cher s'exauce, elle descendit de la Bête, non sans manquer d'en glisser. Un regard noir à l'animal : T'as voulu me faire tomber hein saleté ??? .
Ju se détourna de la monture, heureuse de sentir les pavés sous ses bottes et ,enfin, se frotta le séant en retroussant son petit nez.

Le chemin entre Cosne et Semur avait semblé bien long à Esta. Elle se trouvait dans le carrosse corbillard tiré par quatre frisons magnifiques et c’est Mont qui les dirigeait.
Elle n’avait pas souhaité être à ses cotés cette nuit là, elle espérait se reposer un peu, auprès de sa louve. Mais impossible !
Sur les chemins défoncés et caillouteux, le carrosse chargé de ses malles n’était guère confortable et Esta s’accrochait désespérément, ballotée en tout sens, sans pouvoir bien sûre fermer l’œil.
Elle se disait alors qu’elle aurait mieux fait de monter sur un de ces frisons qui tiraient le carrosse. Cela aurait été bien plus confortable finalement.

Quand le carrosse s’arrêta, le silence s’installa même si dans la tête d’Esta continuaient à tintinnabuler toutes ces clochettes qui ornaient le carrosse. Il lui fallut plusieurs minutes avant de réaliser qu’ils étaient peut être enfin arrivés à Sémur.
Esta tire alors les rideaux dorés et regarde à l’extérieur. Ils se trouvent devant l’auberge « la Semuroise ».
Alors, nous sommes bien arrivés, parvient-elle à dire.

Elle ouvre la porte du carrosse et descend. Elle se sent fracassée de partout. Mont est déjà là à l’attendre, se tenant droit, fier comme à son habitude. Sans un mot, il la prend de son seul bras par la taille et l’entraine dans l’auberge.

L’auberge est des plus silencieuse mais déjà Kan , qui n’avait pas l’air au mieux de sa forme, passa derrière le comptoir et claironna....
Bien le bonsoir voyageurs ! vous arrivez ben tard... qu'est-ce que je vous sert ? On a quelques bons vins des domaines qui cernent la ville et de la bière, de celles qui détendent les fessiers..."
Pour moi, tavernier, un bon verre de vin du terroir, ça m’irait bien ! dit Esta.
Pout toi, Mont, pareil ?

Et les voilà tous les cinq à picoler un peu en discutant tranquillement autour d’une chope. Le jour se lève à peine. La fatigue marque les visages de chacun.
Esta glisse encore au fil de la conversation. Merci de nous avoir accompagnés jusqu’ici !

Esta reprend encore un verre de vin...et les voix se font lointaines peu à peu. Elle entend parler de ce fameux festin que Jusoor doit préparer et auxquels ils sont conviés avant de reprendre leur route, Mont et elle. Ah oui, c’est vrai, j’ai promis de lui donner un coup de main se rappelle Esta, songeuse....
Elle pose sa tête contre l’épaule de Mont en essayant de garder les yeux ouverts. Mais, sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte, elle glisse alors dans le sommeil.

La compagnie avait mis pieds à terre, devant une taverne, Mont attacha les reynnes et aida sa Dame à descendre. On aurait dit que l'auberge nous attendait, Kan avait pris place derrière le Zinc et servait déjà du bon vin à qui n'en voulait.

Bien Sure Esta, un bon verre de Bourgogne rien de tel pour vous retaper un bonhomme.

Il s'assit et la pris contre lui, savourant sa corne, remplie de nectar. Il ne lui en fallut pas qu'une d'ailleur, ce genre de gaillard vous vidait un tonneau, qu'on avait pas le temps d'y voir. Plus jeune on l'appelait " la descente ", c'est qu'il en avait éclusé le bougre.

Esta avait l'air fatiguée, elle s'endorma bien vite sur son épaule, il faisait bien attention dans ses gestes de ne pas la bousculer, elle avait besoin de récupérer un peu.

Ju n'avait pas envie de s'asseoir. Juste rester debout, détendre ses muscles machés par les mouvements volontairement incertains de la Bête des Enfers. Elle avait pénétré la taverne la première et tenant porte ouverte à Mont et Esta, entreprit des étirements discrets. L'inquiétude lui fit froncer les sourcils quand elle vit la démarche de Kan qui arrivait derrière le couple. Elle eut envie de l'arrêter à la porte, qu'elle tenait toujours mais n'osa pas. Il ne voulait pas que sa blessure se remarque, alors elle serait discrète aussi. Une fois Kan rentré et résolument passé derrière le comptoir, la petite ferma la porte.

Son Maître et ses amis étaient déja assis à une table. Finis les étirements, c'était insuffisant. Un massage c'était ça dont elle avait besoin, pensa-t'elle en les rejoignant. La table était là, ses amis autour et Kan avait commencé à servir. Il eut été impoli que de ne pas les rejoindre. Alors elle s'assit avec eux, plus par envie de partage que par réelle politesse...

"Moi je veux de la bière s'il te plaît Kan... puisqu'elle a le pouvoir de détendre les fessiers !" , lui dit-elle d'une voix forte, habituée à couvrir le bruit des tavernes. Kan enfin assis à ses côtés, la jambe blessée discrètement étendue sous la table, Ju prit son verre d'une main et le leva bien haut :

"A nous les amis ! quelle joie de vous avoir ! " La petite scella son assertion d'un sourire sincère et chaleureux avant de porter son verre à ses lèvres, blanchies de fatigue. De sa main restée libre, elle se permit une caresse tendre sur la cuisse saine de son presque amant.

Assoiffés ils devaient l'être, chacun pour diverses raisons sans doute, car un deuxième verre fut aussitôt servi. Ju le but plus lentement celui-ci, les cris de colère contre la bestiole qui l'avait portée, restés étouffés dans sa gorge avaient été éteint par la première chopine. La deuxième n'était destinée qu'au pur plaisir.

Merci de nous avoir accompagnés jusqu’ici !

Ju allait ouvrir la bouche, à raison cette fois, pour répondre à Esta quand elle vit celle-ci incliner la tête sur l'épaule de son aimé et sombrer presque aussitôt. Elle referma la bouche lentement et se tourna vers Mont pour lui faire des signes, et lisant l'incompréhension dans son regard, elle finit par lui murmurer :

"Je crois que la Belle s'est assoupie... Elle aura besoin de son Beau pour la conduire jusqu'à sa couche." Et Ju sourit au gaillard pas prêt encore à reposer sa corne.

Epuisée elle aussi et sentant les effets de l'alcool peser sur ses paupières, elle regarda celui qui se tenait à ses côtés. "On rentre aussi ? "

Esta s'endormait doucement, Ju lui fit comprendre qu'il fallait la mener à sa couche, il était vrai qu'un banc de taverne n'était pas l'idéal pour le repos d'une dame. Mais avant celà, de son unique main, il saisit la caraffe et rempli les verres de ses amis tous autour, un petit sourire aux lèvres, il leur en fallait bien un troisième pour rejoindre Morphée et dans les songes, ainsi se reconstituer.

A vôtre santé à tous... et surtout, à ce diner de demain, j'en ai déjà l'eau à la bouche...


Le Vieux renard, après avoir vidé sa corne, reluqua le gobelet d'Esta, il en restait à moitiée, moitié videou moitiée plein, là n'était pas la question, il l'engloutit en un instant. De son bras il enroula sa belle et se leva pour atteindre les escaliers et ainsi rejoindre sa chambrée de fortune.

Que la Nuitée vous soit bonne et réparatrice mes amis, je m'en vais coucher ma Dame et me reposé un petit peu, je vous dis à demain.

Le vieux s'engageait dans l'escalier et disparu, on entendait ses pas lourds sur le bois des marches continuer leur ascension, une porte s'ouvrait et le silence revenait peu à peu, mais ce ne fut que court moment car on allait entendre bientôt les Ronflements d'un homme exténué.....

Mont donna le signal du départ. Eusaias l'avait suivi. Le sourire que Kan lui adressa fit fondre Ju. Une caresse sur sa joue blanche plus tard, elle se rendit compte que, fatiguée, son âme était bien plus réceptive et bouleversée à la moindre démonstration de sentiments, affectueux ou houleux.
Elle le vit s'extraire avec difficulté du banc et finir lentement sa chope. *Le sentiment du travail accompli*, pensa-t'elle, et la fatigue écrasante qu'elle éprouvait ne put empêcher ses lèvres de s'étirer en sourire.

Toujours assise elle le regardait évoluer difficilement dans la taverne et songea à sa blessure de la veille, à ce qu'ils avaient pu se dire, et c'est l'obscurité soudaine qui la sortit de ses pensées. Elle comprit alors que le pauvre avait rangé seul la tablée et rose de honte de ne l'avoir pas aidé, elle le bénit silencieusement. Au moins ses traitres joues, qui laissaient le sang les envahir, ne se verraient pas dans le noir. Elle se leva alors, cherchant à trouver son équilibre entre les cuisses douloureuses et la fatigue. C'est finalement le bras qui la ceintura qui lui rendit stabilité. Une brève étreinte qui était inestimable ce soir et la petite se laissa guider dans les rues sémuroises jusqu'à sa modeste maison.

La porte n'était pas fermée à Clé. Kiss avait du venir aujourd'hui et sachant leur retour prochain, avait laisser ouvert pour ne pas être dérangé dans son fournil. Ju se saisit de la main de son aimé et pénétra la première, l'entraînant à sa suite. Elle posa sa besace à l'autre coin de la pièce unique et sans le regarder s'adressa à Kan :

J'aimerais regarder ta plaie, et la laver. Je ne dormirai pas tant que ce ne sera pas fait...

Son ton n'appellait nulle réplique. Ju, toujours dos tourné, chercha une chandelle dans le noir.

Défaîts toi de tes braies et allonge toi s'il te plaît, ce sera plus aisé pour moi...

La lumière jaillit dans ses mains au moment où elle entendit, aussi ténu puisse-t'il être, un gémissement provenant du lit et enfin, le froissement des étoffes. Alors elle sut qu'elle pouvait se retourner. Elle s'avança et posa la chandelle au pied du lit, joues roses, mais encore une fois, heureusement camouflées par l'obscurité régnante.

Attends-moi... je vais chercher un peu d'eau claire. Et si tu t'endors et bien je tacherai de ne pas t'éveiller en nettoyant ta plaie... chose dont je doute.

Ju lui sourit et avec une infinie douceur baisa le front aimé avant de sortir, baquet dans les mains.

Ju revint quelques minutes plus tard, les mains glacées de l'eau du puits. Kan n'avait pas bougé, le pouvait-il encore d'ailleurs ?

Elle s'approcha, posa le baquet d'eau à coté de la chandelle et lui sourit. Quelques minutes plus tard, linge propre dans les mains, elle effleura les pourtours de la plaie. Les sourcils froncés par la concentration comme une gosse qui essaie de ne pas "déborder" dans son coloriage, elle nettoya le sang séché et n'entendit pas les plaintes presques silencieuses de kan. Travail presque achevé, Ju releva les yeux avec pudeur et put distinguer dans la pénombre une zébrure plus claire sur le haut de la cuisse de son aimé. C'est surprise qu'elle toucha du bout des doigts sa peau.

Qu'est-ce donc ?

Kan redressa la tête et la regarda elle puis sa main...

Une blessure, lui dit-il, je te la raconterai une autre fois, il est temps maintenant de nous reposer...

Evidemment il avait raison. Il allait bientôt faire jour et Ju n'oubliait pas son dîner de ce soir, ni la fatigue qui l'accablait. Kan étendit sa main ouverte vers elle. Elle la prit, sourire aux lèvres, et le temps de retirer ses bottes, de se recouvrir, elle et Kan, de la couverture, elle était dans ses bras.

Une caresse sur sa joue fit frémir ses paupières. Peut-être que la dite joue avait déja été caressée maintes fois juste avant ce frémissement de réveil, elle l'ignorait. Une nouvelle caresse, douce et chaude sur ses lèvres assoupies cette fois. L'insistance qu'on mettait à la réveiller était efficace, Ju sourit sous les baisers. Elle était là maintenant, esprit retiré à la nuit, mais l'envie de garder les paupières fermées nacquit. Juste profiter de ce réveil, plus doux qu'aucun autre, et malgré le sourire qui flottait sur sa bouche faire comme si elle dormait, dans le seul but d'usurper quelques baisers encore... Elle en faisait le compte : un... deux.... Elle savait bien que l'auteur des baisers n'était pas dupe alors au bout de quelques minutes elle ouvrit les yeux sur lui et lui sourit avec tendresse pour finir par rire. Elle entoura son aimé de ses bras et l'attira à elle. C'était son tour de le couvrir de baisers. Basculant sur le côté elle sentit une douleur à la cuisse et tout lui revint : la chevauchée pas fantastique du tout, l'arrêt à la taverne avant de regagner la maison, Eusaias, Mont et Esta...

Haaaaaaaaaaan... C'était plus une inspiration de stupeur qu'une exclamation. Ju s'était sèchement assise, les mains sur ses joues. Elle regarda Kan...

Par Aristote ! Le jour est-il bien avancé ? Est-il déja l'heure de la mi-journée ? Elle détourna le regard vers la fenêtre et la lumière brillante du jour lui fit mal aux yeux. Bon Sang ! j'ai tant de choses à faire encore...
Ju n'arrivait plus à organiser ses pensées, ni tout ce qu'elle avait à faire ce jour. Par quoi devait-elle commencer ?

Elle décida que se vêtir serait sans doute une bonne chose. La petite sauta du lit, abandonnant avec regret celui qui remplissait ses nuits. Oubliant la douleur, elle enfila ses braies qu'elle aurait tout loisir de salir durant cette journée déja bien entamée, avant de revêtir sa houppelande pour faire honneur à son aimé ce soir. Elle prit un morceau de pain encore chaud sur la table, remercia Kan du regard, lui prit un baiser et partit à la remise faire l'inventaire des légumes qu'elle cuisinerait. Avant de refermer la porte elle lui intima avec un sourire charmeur, de ne pas bouger de la paillasse.

Quelques minutes plus tard, Ju, les bras chargés des plus jolis légumes qu'elle avait trouvés, poussa difficilement la porte de sa maison et enfin les laissa se déverser sur la petite table. Un sourire à son aimé qui l'avait attendu et elle lui exposa sa trouvaille :

Tu vois, je crois que je vais essayer de faire un pot-au-feu. J'ai déja vu Seisan en préparer un, ça n'avait pas l'air bien compliqué. Ainsi nous aurons un repas complet : soupe, viande, légumes...
J'ai ramené 8 carottes, 8 pommes de terre, 8 poireaux, 1 chou, ça je sais pas bien ce que c'est, mais il y en a 4 ... des navets je crois. Il y a aussi des oignons. Il faudra que je trouve des herbes odorantes pour parfumer le tout... je verrai ce que je trouve au marché.

Ju reprit un coin de pain et vint s'asseoir près de son aimé. Lui passant la main dans les cheveux, elle y parsema quelques miettes de mie. Bien. Je vais nettoyer tout ça puis me rendre au marché chercher la viande, le fromage et les dites herbes... Et toi tu vas faire quoi ? attends ne dis rien je sais... Aurais-tu la bonté d'aller chez Kiss me récupérer de la vaisselle et des tabourets ? Sinon personne ne pourra manger ni s'asseoir, ou juste moi... Ju lui sourit, elle avait réussi à s'organiser, tout irait bien...

Kan sourit largement en voyant Ju s'activer tout soudain. Etouffant les regrets qui lui pinçaient le cœur lorsqu'elle le quitta pour la sainte cause qu'elle s'était donnée, Il s'étala de tout son long sur le lit, bras croisés derrière la nuque. C'est presque en riant qu'il accueillit le vif baiser qu'elle lui confia en courant vers la remise, prenant tout juste le temps d'ôter le bout de pain de sa bouche pour ne lui présenter que ses lèvres.

"Ne pas bouger". il en avait bien l'intention ! Elle ne voulait pas de son aide et il était plus que disposé à jouer les princes et à se faire choyer et surprendre par la maîtresse de maison. Il aurait même bien volontiers fermé les yeux jusqu'au dîner promis.
Cependant, si le soleil matinal semblait lui réussir, il craignait un peu qu'à mesure que l'échéance approcherait, elle finisse par mal prendre le fait qu'il reste là allongé pendant qu'elle s'échinait à tout préparer.

Quand elle revînt dans la pièce, il n'avait pas quitté le lit ni son sourire, mais se tenait prêt à partir, cherchant encore la raison impérieuse qui l'y poussait.

Citation :

Et toi tu vas faire quoi ? attends ne dis rien je sais... Aurais-tu la bonté d'aller chez Kiss me récupérer de la vaisselle et des tabourets ? Sinon personne ne pourra manger ni s'asseoir, ou juste moi...

"Exactement !" dit-il en se redressant, "C'est tout à fait ce que je comptais faire.. ça et récupérer la bière qu'il t'a proposé hier". Souriant toujours plus largement, Il l'attira à lui pour un dernier baiser avant de se diriger vers la taverne pour récupérer tout ça, discuter un peu et vider quelques chopes, bien décidé à traîner suffisamment pour que Ju puisse s'absorber toute à sa tâche, et que lui-même se garde quelques surprises sur le menu. Il allait lui parler des beaux fromages qu'il avait repéré le matin, mais se ravisa, optant pour un ultime sourire et un clin d'œil avant de passer la porte.

CocoricOoooo,......CocoricOoooo.....

Le chant du coq réveilla Esta. Elle ouvrit les yeux et le jour se levait à peine. Esta s’étire doucement, ce repos lui a été bien profitable. Elle entend alors la profonde respiration de mont et se tourne alors vers lui. Mont, couché sur le dos, sa main posée sur son poitrail dort du sommeil du juste.
Esta sourit en le regardant et en écoutant ses doux ronflements rythmés. Du bout de ses doigts, elle souligne les traits de son visage, de son cou, de ses épaules et pose enfin sa main sur la sienne.
Elle aime sa force tranquille et sourit encore en pensant à leur différence qui les rapproche.

Les cloches de l’église la font sortir de ses pensées. L’angélus sonne.... Esta regarde vers la fenêtre, le jour est là maintenant....Oui, bel été que cet été ! Les oiseaux chantent à tue tête maintenant, comme un hommage donné chaque jour à la lumière. Dans les rayons de soleil qui entrent maintenant dans la chambre dansent de douces particules argentées. Esta s’amuse un instant encore à les regarder.

Puis, sans un bruit, Esta se lève alors.

Dandy, sa louve, qui était couchée au pied du lit lui fait la fête.

Chut....tu vas réveiller Mont !

Esta prend le broc empli d’eau et en déverse dans la cuvette prévu à cet effet et Esta entreprend de faire sa toilette minutieusement, de la tête au pied. L’eau est fraiche et termine de la réveiller tout à fait. Elle s’habille.
Dandy tourne autour d’elle, sentant qu’il y a de la promenade dans l’air.
Oui Dandy, on va aller se balader au bord du lac et ensuite on va rejoindre Jusoor chez elle. C’est que je dois lui donner un coup de main !

Esta sort de la chambre en jetant un dernier regard à Mont. Elle ne veut pas le réveiller.
Elle descend les escaliers qu’elle a montés cette nuit sans trop s’en souvenir.. La taverne est plus sombre que la chambre, il n’y a personne encore.

Esta et Dandy sortent alors dehors et se dirige vers le lac.
La marche sous ce doux soleil lui fait le plus grand bien et Dandy se dandine devant elle, toute heureuse. Enfin, elles arrivent au bord du lac, et Dandy s’y jette avec bonheur en poursuivant une poule d’eau. D’ailleurs, ce sera son repas à la belle Dandy.

Elles restent ainsi une bonne partie de la matinée et enfin, Esta décide de rejoindre Jusoor....

Voyons, où m’a-t-elle dit qu’elle habitait ? Ah oui.....et Esta se souvient des explications que lui avait donnée Jusoor pour se rendre chez elle....

Devant la porte, Esta tend l’oreille.... Tout semble calme.... Elle hésite un instant. N’est il pas trop tôt ?
Esta regarde le soleil, déjà bien haut dans le ciel et frappe à la porte...

Toc Toc Toc....

Esta insiste un peu, frappe à nouveau un peu plus fort.....
On dirait qu’il n’y a personne....Je vais attendre là, sur ce banc de pierre... Dandy s'allonge à ses cotés dans un éclat de soleil.

Les légumes étaient lavés et attendaient sur la table. La petite avait réussi à faire prendre le feu dans la cheminée, sans manquer de s'énerver bien sur et de jurer après ce foutu bois un peu humide. Puis, assurée d'un sourire, elle était sortie remplir sa marmite au puits de Kiss. C'est en revenant d'un pas pressé, qui laissait se déverser à chaque fois un peu plus d'eau sur ses bottes qu'elle aperçut Esta, assise sur le banc.

Tiens Esta ! Quelle surprise de te voir ici ! Ju posa la marmite, presque pleine encore, sur le banc et embrassa son amie. Es-tu assez reposée ? Rentres viens je t'en prie, ne restons pas là... Ju regarda l'animal en reprenant sa marmite et poussa la porte de sa maison du bout du pied, laissant passer Esta devant.

Ha, Jusoor.... C'est pas un peu trop lourd? Mais déjà Jusoor pousse la porte du pied avec sa lourde marmitte qu'elle porte à bout de bras....

Esta entre dans la maison....sa louve sur ses talons.

J'avais dit que je venais t'aider, alors me voilà dit elle encore.

Tandis qu'Esta pénétrait dans sa modeste demeure et lui indiquait la raison de sa venue, Ju, appliquée, suspendait sa marmite d'eau au dessus des flammes dans la cheminée. Elle soupira et essuya son front humide d'un revers de main avant de se tourner vers son amie.

Tu viens m'aider ? Mais tu es mon invitée Esta ! Assieds-toi d'ailleurs...

Ju, d'une main, rassembla les légumes sur un bout de la table et lui désigna la chaise. Pour elle même elle prit un tabouret qu'elle avait subtilisé dans la taverne d'une ville voisine.

As-tu déjeuné ce matin ? regarde j'ai du pain frais et peut-être qu'un verre de lait te plairait aussi ?

Esta s'assoit sur le siège que lui montre Jusoor....

Mais oui, je viens t'aider, je ne vais pas te regarder travailler en me croisant les bras!

Hum...sinon, oui, c'est pas de refus de boire un verre de lait et manger ce bon pain frais. J'ai rien mangé depuis....hum, notre départ de Cosne je cois bien!