A la faveur de la lune

[RP ouvert à tous, merci cependant de laisser à Eo le temps de planter le decor et surtout l'atmosphere... La ruine qu'elle trouve sera sa demeure et va etre pour elle l'occasion de se rememorer certains souvenirs...]

Eo, arrivée depuis quelques jours à Sémur, se promenait comme elle le faisait souvent jadis dans les ruelles à peine eclairées. Elle laissait ses pas la guider sans réfléchir,mais tout naturellement, elle se retrouva aux abords de la fôret...
Les rayons de la lune baignaient l'endroit d'une lumiere pallide. Elle y pénétra avec délice, touchant les troncs rugueux à pleines mains, se nourrissant de leur force, de leur vigueur...

Elle enleva ses chausses afin de sentir le tapis mousseux sous ses pieds, malgré le froid hivernal... Elle respirait à pleins poumons les odeurs d'humus, de champignons, de terre et de feuilles mortes encore humides. Elle se dirigea plus avant dans les profondeurs sombres, malgré les glands, les branches séchées qui tapissaient le sol... Des ronces lui griffaient les jambes. Si certains pensaient la fôret hostile, elle s'y sentait bien. La nature avait cet effet singulier de l'apaiser, elle y trouvait un second souffle...

Tout en marchant, elle arriva dans une minuscule clairière, au milieu de laquelle, elle pouvait distinguer une petite maison qui semblait inhabitée. Elle remit ses chausses et s'avanca lentement vers la bâtisse. Arrivée au seuil, elle tourna lentement le loquet de la porte qui ceda non sans un peu de difficulté. Un oiseau nocturne s'envola precipitemment, elle eut tout juste le temps de baisser la tete pour l'éviter. Elle crut reconnaitre une chouette effraie. Tout indiquait que la maison n'avait pas été habitée depuis longtemps. Elle était vide, envahie de ronces, d'orties, de toiles d'araignées.

Eoline scruta ce qui semblait etre la pièce principale. Au mur à gauche, elle distinguait une cheminée dont le manteau ancien était composé d'un linteau chantourné. Elle s'avanca en prenant garde de ne pas tomber, afin de voir de plus près l'ouvrage. Elle remarqua alors une bougie et le briquet. Elle s'en saisit et l'alluma. La faible lueur lui permit cependant de percevoir davantage les details du lieu.

La pièce lui fit immédiatement penser à la maison qu'elle avait à l'orée de la forêt de Joinville. C'est alors qu'une vague d'émotion la submergea. Joinville, sa ville natale, là où tout avait commencé pour elle. Elle se souvint alors de la jeune fille qu'elle était à l'époque. Elle amusait la galerie, vivait heureuse et insousciente. Certains visages lui revinrent à l'esprit : Tornade et son illustre concombre, Grobmaster qui passait des heures en taverne municipale, veritable annexe de la mairie. Il n'était plus et lui manquait. Elle se souvint egalement de sa rencontre avec Tedonia sa plus grande amie, de Captainrad, de Roudan et Dalcus... Dalcus qui attendait toujours son tour, entre deux amourettes de l'ingenue qu'elle était à l'époque. Dalcus qui lui aussi avait disparu... Elle fut prise soudain d'un léger fou rire en repensant à l'arrivée d'angelique, toute frêle, toute timide qu'elle avait prise sous son aile. L'ange comme elle aimait encore à l'appeler n'avait, elle non plus, plus rien à voir avec cette image du passé. C'était incroyable de changer autant lorsque l'on plongeait dans le panier de crabes qu'était le pouvoir politique...

Elle l'avait appris à ses dépends. Pourtant Coluche l'avait prévenue lorsqu'elle s'était installée au Château d'Antigny pour y faire ses armes. Elle s'était promis à l'époque de ne jamais tomber dans ce genre de travers. Aujourd'hui encore, elle n'était pas sure d'avoir réussi ou echoué. Le Chateau d'Antigny et son parc où elle s'était rapprochée de Chemaster. Le même qui l'avait demandée en mariage le jour où pour la première fois elle fut elue maire. Le même qui avait tout quitté pour elle à deux reprises : La premiere fois en quittant la Bourgogne pour la Guyenne et la seconde pour faire le chemin en sens inverse. Chem qui avait renouvellé ses voeux de l'épouser lorsqu'elle était devenue maire de Bazas. C'est à cette époque que tout a réellement changé pour elle. Ce jour là de promesse en promesse, elle s'était rendue compte qu'elle serait probablement son éternelle fiancée. Elle avait donc optée pour une vie de debauchée, de libertine au grand dame des Bazadais bien pensants. De scandale en scandale, elle avait fini par rejoindre la Bourgogne, lasse.

Eo se rendit compte qu'elle était là, dans cette maison abandonnée, perdue dans ses souvenirs... Elle décida donc de poursuivre sa visite nocture en conservant le bougeoir dans sa main tendue en avant, se dirigeant vers une porte qui faisait face à celle de l'entrée...

Alors qu'elle allait pousser le loquet de cette porte qui menait Aristote seul sait où, sa main se crispa, ses lèvres tremblèrent tandis que des larmes lui montèrent aux yeux. Elle se sentit chanceler, aussi préféra-t-elle se laisser glisser à meme le sol. Elle resta là à genoux, le front contre la porte, la main toujours sérrée sur la poignée. Elle ouvrit la bouche pour hurler, aucun son n'en sortit. Elle posa la bougie à terre dans un geste automatique, attérée de se rendre compte qu'elle n'était plus qu'une coquille vide. Cette douleur , qu'elle connaissait depuis sa sortie du couvent fin octobre, refaisait surface. Elle avait tout fait pourtant pour la museler, l'enfouir au plus profond d'elle-même.

Impulsive, et impatiente, ce jour là elle s'était précipitée à Mâcon. Deux agressions, et quelques jours de voyage plus tard, il n'avait fallu qu'un seul mot et un regard indifférent pour que le couperet tombe. Nul scandale, nulle protestation, elle préféra rejoindre Dijon. Ce jour là, quelque chose s'étant brisée en elle, elle avait simplement revêtu une cuirasse, et choisi d'exhiber mille masques pour tenter d'oublier. Elle ne les quitta plus...

D'aventure en aventure sans lendemain, elle n'avait plus laissé personne l'atteindre. Et puis au détour des couloirs labyrinthiques d'un duché exsangue, elle le rencontra. Dès lors, elle avait été sur ses gardes. Il était très exactement le genre d'homme qu'il lui fallait fuir. Pourquoi avait elle joué avec le feu? Elle ne le savait pas. Elle n'avait juste écouté ce jour là que son goût pour le danger. C'était exactement ce qu'il représentait : la tentation de surseoir ses propres limites.

» [RP] Balade au clair de lune